Comment l’AI Action Summit a fait changer l’intelligence artificielle « business » de dimension 

Après avoir assisté au Sommet de l’action pour l’IA à Paris, Stéphane Gervais livre son regard de spécialiste de l’innovation sur la rencontre, et le tournant qu’elle semble incarner.

 

L’AI Action Summit a marqué un tournant dans la réflexion sur l’impact de l’intelligence artificielle sur l’économie et les organisations. J’ai été notamment marqué par la visite surprise d’Emmanuel Macron lors du « Business Day » du mardi 11 février, qui a souligné l’importance accordée aux acteurs économiques, au-delà du sommet « diplomatique » qui se tenait le matin même. Autre moment fort de cette journée consacrée au business de l’IA : la présence de personnalités comme Sam Altman, cofondateur d’OpenAI (qui a été invité à s’installer en France !), de Yann LeCun, le chief AI officer de Meta, ou encore de la PDG d’AMD, Lisa Su.

On a donc l’impression enfin que l’IA ne fait plus peur aux entreprises, elles n’hésitent plus à se mobiliser. Les risques qui persistent aujourd’hui sont plutôt liés à la souveraineté, et aux difficultés potentielles des champions européens, aux dépendances technologiques, et au manque de vitesse et d’efficacité dans l’adoption et la mise à l’échelle des projets.

 

L’IA : un catalyseur, mais pas une solution isolée

 

Comme l’a souligné Lisa Su, l’open source et la co-innovation hardware-software sont aujourd’hui les meilleures clés pour maximiser la performance et l’efficacité des solutions IA. Les entreprises ont besoin de bien plus qu’une simple adoption technologique : elles doivent s’inscrire dans un écosystème structuré, favoriser la collaboration et définir des stratégies adaptées.

Prenons l’exemple de Lufthansa, qui utilise la solution Cognigy pour optimiser ses services clients avec ses 16 millions de conversations annuelles grâce à des assistants conversationnels basés sur l’IA. Ou encore EcoVadis, qui intègre l’IA dans ses évaluations RSE pour aider les entreprises à mieux gérer leurs chaînes d’approvisionnement.

L’IA est un accélérateur d’innovation, mais sa vraie valeur réside dans sa capacité à s’intégrer harmonieusement dans une approche écosystémique qui mêle talents, infrastructures et gouvernance des données.

 

Europe : une confiance renforcée et un modèle unique

 

En la matière, et contrairement aux États-Unis et à la Chine, l’Europe aborde l’IA avec une approche axée sur la confiance, la sécurité et la gouvernance. Elle ne se contente pas de développer des modèles d’IA performants : elle met en place des cadres réglementaires, garantissant une utilisation éthique et responsable.

Comme l’a rappelé Tina Rosario (SAP), l’Europe est aujourd’hui le deuxième marché mondial de l’IA et en plus elle a des avantages uniques : un réservoir de talents exceptionnels ; une culture de l’innovation et des startups dynamiques ; des politiques IA avancées, centrées sur la confiance et la transparence.

Autant de conditions qui permettent d’espérer le renforcement d’un écosystème IA vibrant sur le continent.

Les témoignages d’entreprises lors du Business Day laisse clairement entrevoir cette dynamique. J’ai par exemple apprécié d’apprendre qu’AXA utilise l’IA pour assister ses experts en gestion des risques. Christophe Vermont, leur CTO, a mis en avant l’importance d’une IA frugale, la nécessité de sélectionner les cas d’usage les plus pertinents, et d’optimiser à la fois la consommation d’énergie et les ressources humaines.

La question de la dépendance technologique a également été abordée, avec des propositions pour réduire les risques, telles que l’utilisation simultanée de plusieurs LLM différents. Le PDG de Scality a, quant à lui, suggéré d’adopter une approche patriotique, à l’image des Américains, afin de garantir notre souveraineté. Ce ne sont pas les idées qui manquent !

 

Pas de disruption brutale, mais des transformations de fond grâce à l’IA

 

Autre exemple d’une entreprise qui mène des transformations tambour battant : Engie utilise l’IA pour réduire les temps d’intervention des techniciens et améliorer l’exploitation des systèmes énergétiques en vue d’une décarbonation plus efficace. De plus, GitHub Copilot est utilisé pour le développement logiciel en automatisant des tâches de programmation chronophages.

Ces transformations des métiers et des processus se retrouvent aussi dans le secteur de la santé, où l’IA assiste les médecins en améliorant la précision des diagnostics et en accélérant la recherche médicale.

 

De l’IA générative à l’IA intégrée : quelle évolution ?

 

Aujourd’hui, les LLM (Large Language Models) comme ChatGPT dominent le paysage de l’IA, mais comme l’explique Yann LeCun, l’avenir repose sur des systèmes capables de comprendre le monde physique et d’interagir intelligemment avec leur environnement.

L’enjeu est de dépasser la simple automatisation pour aller vers une IA véritablement intégrée aux processus métiers. Cela implique :
Une IA plus intuitive, capable d’anticiper et d’adapter ses réponses en fonction des situations réelles
Une IA souveraine, sécurisée et conforme aux exigences réglementaires européennes
Une IA frugale et optimisée, maximisant son impact avec un minimum de ressources

 

Au-delà des intentions, des financements

 

Alors, il n’y a plus qu’à ? Le jour même de ce « Business Day », l’Union européenne a dévoilé l’initiative InvestAI pour mobiliser 200 milliards d’euros d’investissement dans l’intelligence artificielle. Cette annonce inclut un fonds européen de 20 milliards d’euros dédié aux gigafactories d’IA (dotées de 100 000 puces de dernière génération). Des infrastructures qui devraient permettre le développement collaboratif des modèles d’IA avancés, avec l’ambition de faire de l’Europe un leader en la matière.

En résumé, je pense que l’IA a franchi un nouveau cap « business » avec ce sommet. Ce n’est plus seulement une technologie qui doit être régulée afin de pouvoir potentiellement l’utiliser mais bien un levier stratégique incontournable pour accélérer l’innovation, automatiser intelligemment et optimiser les opérations. Son adoption nécessite cependant une vision long terme, un cadre de gouvernance robuste et une approche collaborative entre des organisations variées.

Il n’est donc plus l’heure de parler de disruption. L’enjeu aujourd’hui est de savoir comment les organisations sauront l’intégrer de manière efficace, éthique et durable, en s’appuyant sur des écosystèmes riches et vertueux.

 

 

OSZAR »